Jean Michel BlanquerInstaller au ministère de l'Éducation nationale en mai 2017, Jean-Michel Blanquer finira probablement le quiquenat d'Emmanuel Macron à ce poste.

Présenté comme un pragmatique « conservateur » contre les pédagogistes « progressistes », il se révèle très rapidement comme un idéologue dogmatique et autoritaire ! Fin connaisseur de l'Éducation nationale comme l'introduisait tous les médias, il n'allait pas s'en laisser compter par l'inertie des syndicats. Il fait désormais l'unanimité contre lui de tous les acteurs du système scolaire depuis les syndicats d'élèves, d'enseignants et de chefs d'établissement jusqu'aux plus tempérées associations de parents d'élèves, fermant toutes les portes de la contradiction et du dialogue.

En réduisant les intentions des réformes sur les rythmes scolaires et la réforme du collège dès sa prise de fonction, il sera aussitôt désavoué par l'OCDE qui pointera un retour à une politique scolaire contraire à l'égalité des chances - Rappelons que l'OCDE pilote l'évaluation internationale du suivi des acquis des élèves (PISA).

Se vantant très longtemps du dédoublement des classes de CP et CE1 dans les écoles des zones les plus défavorisées, les premiers rapports nuances très nettement la pertinence de ces dédoublements et dont on peut craindre l'effacement des effets positifs pour les enfants dès lors qu'ils rentreront au collège. Personne ne le contredira sérieusement quand il se targuera de première remontées « encourageantes » en lui faisant remarquer que l'efficacité d'une réforme scolaire se mesure sur 10 voir 15 ans.

Si dès sa première rentrée, il fait remplacer le système d'orientation vers le supérieur « APB » pour « PARCOURSUP » il enclenchera dans la même dynamique les réformes des lycées généraux, techniques et professionnels déstabilisant complètement les organisations des établissements. Pire, ces réformes illisibles s'avèrent immédiatement en contradiction avec PARCOURSUP - Si les enseignements de spécialités visent à permettre aux lycéens de choisir en fonction de leur appétence pour telle ou telle matière, le système d'orientation s'appuiera sur la pertinence de ces choix pour valider ou non la candidature du furur bachelier dans telle ou telle école / université du supérieur. Plus encore, Blanquer supprimera l'enseignement des mathématiques dans le tronc commun jugée ouvertement inutile pour la vie quotidienne - mais c'est peut-être est-ce son pragmatisme qui a guidé sa décision, les postes de professeurs de mathématiques sont souvent laissés vacants qu'il réduira cette discipline à une spécialité finalement rendue difficile pour ceux qui la choisiront. Les humanités contre l'esprit rationnel et cartésien, pourtant si nécessaire pour être capable de prendre le recul nécessaire dans un monde si complexe.

On passera sur la mise au pas de son administration, et la tentative de vouloir museler toute forme de constestation interne ou externe en régentant au travers sa loi sur l'école de la confiance une grande partie des forces vives du système éducatif français.

Mais quand l'idéologie se fracasse sur le mur de la réalité et que la mise en oeuvre des réformes dans les établissements se déploie dans une grande confusion, les élèves, les familles, les professeurs et l'administration de l'Éducation nationale se rebiffent et dénoncent le flou et le manque d'anticipation de ces changements pourtant prévisibles.

En mars 2020, quand la crise sanitaire s'invite dans les salles de classe, le ministre (comme le gouvernement) est complètement dépassé par les événements. Blanquer veut quitter ce ministère qui ne se plie pas suffisament à sa doxa, s'il feint de vouloir se confronter au suffrage électoral, Macron ne le nommera finalement pas au ministère de l'intérieur afin de préserver ses forces politiques pour 2022. Il le maintiendra dans ses fonctions avec comme cadeau de consolation l'adjonction du ministère des sports, comme si l'éducation n'était déjà pas suffisament conséquent pour occupé pleinement une ministre qui plus est en pleine pandémie.

Le président de la république prend alors la décision de fermer les écoles, collèges et lycées et si Blanquer assure que l'école est prête c'est bien le pragmatisme des professeurs qui permettra bon gré mal gré de tenir la continuité pédagogique et a minima le contact avec les élèves. Et même si certains journalistes soutiendront le ministres en dénonçant « les enseignants décrocheurs » personne n'est dupe et beaucoup constate le manque total de préparation du ministère à la bascule vers l'enseignement « en distanciel ». Le public se rend compte à quel point nos écoles sont sous équipés et absolument loin d'une pédagogie intégrant le numérique.

Si on peut se réjouir d'avoir essayé de maintenir le plus possible les établissements scolaires ouverts durant toute la crise, on ne pourra que s'indigner du cynisme du ministre à l'encontre de ses enseignants qui en seconde ligne seront mal protégés dans des salles inadaptées. Le pire étant que la promesse d'une priorité des vaccins pour les professeurs ne sera jamais tenues - pour une école de la confiance dit-il ?

Jamais d'ailleurs un ministre de l'Éducation nationale n'aura agit autant à l'envers de ses engagements. Pour revaloriser les enseignants - rémunérés nettement en dessous de leurs homologues européens - Blanquer a trouvé l'astuce ; baisser le nombre de postes et augementer le volume d'heures supplémentaires. C'est le retour du « travailler plus pour gagner plus » !

Le passage de Jean-Michel Blanquer au ministère de l'Éducation nationale laissera des traces à long terme dans le monde éducatif. L'impact de ses réformes va creuser, probablement pendant de nombreuses années, un peu plus le fossé entre les enfants des milieux les plus défavorisés avec les autres. Le prochain ministre aura la lourde tâche de corriger progressivement les orientations prise durant ce quinquenat sans toutefois bouleverser radicalement le système éducatif français qui a un grand besoin de stabilité pour, et cela peut sembler paradoxal, évoluer et se moderniser. Sa responsabilité devra s'engager sur la décentralisation, la mise en place d'un véritable service de ressources humaines, d'une médecine du travail digne. Il devra se détacher des sempiternels débats sur les méthodes pédagogiques en laissant cela aux les enseignants et aux universitaires, marquant ainsi la confiance et la reconnaissance du professionnalisme de ces derniers.

Ainsi, pour faire face aux grands enjeux du XXIème siècle, l'école de demain (de 2022 en fait) devra préparer les enfants à mieux appréhender la complexité du monde tout en s'appuyant sur les savoirs fondamentaux. Elle devra leur donner la capacité de décrypter de manière rationnel la multitude d'informations qui leur sont données tout en restant critique dans un espace démocratique, de prendre en compte l'individu et sa place le collectif, de comprendre et mesurer l'importance des problèmes qu'ils devront surmonter ; environnement, pauvreté, ...

Bref, une école qui prépare réellement la jeunesse à l'avenir de notre société, débarrassée de toute idéologie dans ses intentions mais réaliste et vraiment pragmatique dans son fonctionnement  !